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Divagation
28 décembre 2010

Le sens de la vie 2

Il nous faut absolument un sens à la vie pour vivre. J’entends par cela un sens ultime. Parce qu’il y a des sens, plusieurs petits sens, car presque tout fait sens chez l’être humain, ce n’est pas tout à fait suffisant. Globalement, l’ensemble des valeurs, qui, pris une à une, crée un sens particulier, doit converger en définitive vers un sens englobant et définitif, qui vient apporter une réponse à la question du pourquoi il faut lutter et vivre. S’il faut lutter pour la paix, pour que justice soit faite, pour que tous aient le minimum pour subsister et se développer harmonieusement, pour changer nos rapports entre homme et femme, ect., il n’en demeure pas moins que, si tout cela est noble et indispensable, ce n’est pas encore suffisant pour donner un sens à la vie. La raison en est que nous ne parviendrons jamais à instaurer la paix, qui est un idéal utopique. Mais il nous faut persévérer. Et, justement, persévérer au nom de quoi, pour quelle raison? Parce qu’il y a fondamentalement un sens à la vie. Malheureusement, ce sens n’est pas rationnel. C’est-à-dire que lorsqu’on est athée, la vie n’a plus aucun sens. Les religions étaient justement ce qui nous indiquait un sens. Leurs messages, l’amour, la béatitude, la vie après la mort, étaient véritablement efficaces et concluants. Mais il nous faut admettre qu’elles s’adressaient à des gens qui n’étaient pas tout à fait matures, qu’ils ne pensaient pas par eux-mêmes. C’était une forme d’infantilisme. Il nous faut donc penser la vie après la foi et la disparition des religions. Plusieurs penseurs ont trouvé des réponses, et c’est avec eux que nous cheminerons.

La disparition du sens

Fin 19ième, un philosophe allemand méconnu, à l’époque, proclame la mort de Dieu. Ce que l’on appellera le nihilisme commence. Ce qui contaminera aussi la littérature russe. On se demande alors, si la vie n’a plus de sens, qu’est-ce qui étanchera notre soif d’absolu? Plus près de nous, Albert Camus mentionne, dans Le mythe de Sisyphe, que la vie est absurde, étant donné qu’elle n’a pas de sens rationnel. Environ à la même époque, le philosophe analytique Moore, de tradition anglo-saxonne, affirmera, que, concernant la morale, on ne peut pas donner une définition rigoureusement rationnelle de ce qu’est le bien. Influencé par l’utilitarisme, il préféra se rabattre sur les activités fondamentales dans la vie des hommes. Justement, quelles sont-elles? Dans l’ordre, ce serait, premièrement, d’aimer une personne, d’amour et d’amitié. Vient ensuite le respect et l’amour des belles choses, aux sens culturels et artistiques. Et, finalement, la recherche de la vérité. Cette dernière vient rejoindre ce que proposait Aristote avec l’activité théorique, la pensée. On en vient donc au même constat : de la difficulté à trouver un sens qui soit rationnel.

La dictature et l’emprise de l’objet

J’appellerais la domination sur la conscience par les biens, la tyrannie et la dictature des biens. «La conscience habituelle, que nous appelons vigilance, est dominée par l’objet. La vigilance est ek-statique. Il est donc tout à fait normal que notre besoin de contentement se reporte sur les objets, car nous pensons qu’ils sont la condition d’un contentement véritable. De là suit que nous avons tendance à identifier le bonheur au plaisir. Pour la même raison  - et dans la foulée - nous identifions le bonheur à la satisfaction des désirs. Une fois ces croyances inconscientes installées, elles produisent et reproduisent toutes sortes de fantasmes.» Ce serait donc le pire des pièges que de poursuivre l’appropriation des biens matériels et le consumérisme, en croyant que cela serait une des clés du bonheur. Il n’y a aucun doute que cela nous amène dans une dérive, dans une impasse. Posséder tout ce que l’on désire nous apporte, certes, un certain contentement, mais tout cela semble passager, une fois l’attrait de la nouveauté dissipé. On conçoit bien qu’il nous faille travailler fortement pour obtenir le bonheur, mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, et nous sommes bien des fois frustrés. D’où l’importance des succédanés et des compensations qui nous permette de patienter dans l’espérance d’un bonheur et d’un contentement plus plein, plus probant.

C’est ici qu’entre en ligne de compte le véritable sens de la vie. Soit la joie sans condition. Mais il nous faut tout de même faire une distinction entre la joie et les petites joies. Donnons un exemple. Lorsqu’un ami nous appelle pour nous dire qu’il viendra souper et passer la soirée avec nous, nous passons la journée joyeusement en anticipant les beaux moments que nous allons vivre. Mais notre ami a un imprévu et ne peut plus venir, alors nous ressentons de la déception et une forme de tristesse passagère. Ce qui nous amène à dire que les petites joies dépendent des événements extérieurs. Ce n’est ainsi pas ce que l’on entend par la joie.

Définissons-là par ses opposés, par la négative. Il semble évident que les deux plus grands ennemis de la joie soient la tristesse et l’ennui. Si la tristesse est la plupart du temps passagère, il n’en est rien de l’ennui. Quand plus rien ne nous captive et ne nous intéresse, l’ennui s’installe insidieusement. Sur ce phénomène particulier, il faut lire les pages pénétrantes de Schopenauer dans  Le Monde comme volonté et comme représentation. Il dit, en autre, que les prisonniers ne souffrent pas tant de la perte de la liberté, mais que la plupart du temps ils se suicident par ennuis. Il me semble donc que pour s’immuniser de l’ennui il nous faut beaucoup de champ d’intérêt et des activités variées pour combattre l’effet de saturation mentale qu’entraîne sous certaines conditions le cerveau, qui nous amène à devenir blasé.

La joie chez Spinoza

Pour Spinoza, si on veut vivre véritablement, il faut se débarrasser de nos illusions pour être lucide. Et la plus grande de ses illusions, et la plus néfaste, est la croyance en l’immortalité de l’âme. Néfaste, parce qu’elle nous porte à différer notre vie pour un soi-disant avenir meilleur dans un au-delà, où il n’y aurait plus de cruauté et de souffrance : le paradis. Il nous faut donc cesser d’imaginer notre vie.

Mais il existe tout de même deux choses qui sont éternelles. Non pas la matière, évidemment, mais plutôt l’étendue qui contient la matière. Et ensuite la Pensée. Non pas nos pensées, mais la possibilité de la Pensée. Cela implique que lorsque nous pensons correctement, justement et adéquatement nous nous hissons, en quelque sorte dans l’éternité. Et il y a aussi la joie présente qui nous procure un gain ontologique, nous fait exister davantage. Tout ceci fait de Spinoza le philosophe par excellence de l’affirmation.

Pour ce grand penseur, les êtres, et a fortiori, les êtres vivants, par nature, persévèrent dans leur être (conatus), c’est-à-dire augmente leur puissance d’exister. Il en va de soi qu’en évitant la tristesse nous en venons à augmenter notre volonté de puissance. Donc, augmentation de ma puissance d'exister. «L'éthique de Spinoza ne propose rien de moins que de donner accès à une joie éternelle et continuelle de vivre. Comment ? Par la connaissance de soi et de sa relation essentielle avec la nature. En examinant cela, Spinoza fait d'une pierre deux coups, il détruit les préjugés et construit les moyens d'une existence sereine et active. Renoncer à l'illusion n'est pas renoncer à la joie de vivre, si l'on se donne les moyens d'une joie sûre, fondée non sur les vains désirs issus de l'imagination, mais sur le désir essentiel d'exister qui se comprend à la fois rationnellement et intuitivement.»

Le but de la philosophie revient nécessairement à établir une éthique du bonheur, en conciliant le déterminisme et la liberté. Ce que proposait, à une certaine époque, le stoïcisme. «La liberté consiste ainsi dans la connaissance des causes de l'action. Plus on connaît le monde, plus on connaît Dieu, par conséquent plus on est joyeux.» Il nous faut, pour se faire, utiliser notre entendement (éternel) plutôt que notre imagination qui crée nos passions, qui, elles, peuvent être rationalisées et se transformer en action.

L’Éthique de Spinoza nous propose donc, comme couronnement de notre puissance d’agir, la joie. Et celle-ci vient donner un sens à notre vie.

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