Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Divagation
22 avril 2011

La volonté du bonheur

Otto Rank (1884-1939), après une collaboration avec Freud, devint dissident de la théorie psychanalytique freudienne. On le connaît surtout pour son livre Le traumatisme de la naissance. Pour nous le texte qui nous intéressera sera La volonté du bonheur.

Dans La volonté du bonheur Rank part des résultats qu’il a obtenus à partir d’un ouvrage subséquent, L'art et l'artiste : créativité et développement de la personnalité. Que dit cet ouvrage? En gros, que l’artiste créateur, grâce à une volonté consciente devenue conscience de soi (stade ultime), a su éviter ou transcender les deux pièges que sont le ça (instinct, biologie et mécanismes neurochimiques) et le surmoi parental et sociétal. En fait, l’individu créateur parvient à se reformer un surmoi basé sur des valeurs et des idéaux propres à lui-même. Lorsque tout cela ne fonctionne pas ou avorte l’individu devient névrosé ou créateur, lui aussi, de sa propre névrose. «Il est probable qu'antérieurement la conscience ne fut guère qu'un sens percepteur de qualités extérieures (psychologie sensorielle), elle l'est d'ailleurs encore; plus tard vint s'y ajouter la fonction de percevoir les qualités internes; un degré ultérieur de développement fit d'elle un organe indépendant, doué d’une activité propre et destiné à maîtriser en partie les mondes interne et externe. Finalement, la conscience devint un instrument d'observation et de connaissance de soi (conscience de soi); comme tel, elle atteint, dans la psychanalyse, et dans la psychologie de la volonté qui la continue, son degré suprême de développement et de connaissance de soi. La puissance accrue de la conscience permet donc au moi individuel de se libérer non seulement de la domination des forces naturelles qui l'entourent, mais encore de cette contrainte biologique à la répétition du ça hérité; en même temps, grâce à la formation d'un idéal, il fait de plus en plus sentir son influence positive sur le développement du sur-moi et, finalement, sur le monde extérieur où s'exerce sa force créatrice et dont la transformation par l'homme se répercute en lui et dans son développement intérieur.»


Pour Rank la conscience fluctue et c’est le principal obstacle à la compréhension de notre intériorité : «nous ne percevons jamais les facteurs actifs de notre vie psychique que par l'intermédiaire de la conscience; or cette conscience n'est ni stable, ni constante, ni immuable». «Ces difficultés consistent d'abord en ce que nous ne percevons les phénomènes de volonté que par l'intermédiaire de la conscience; puis, en ce que cette conscience n'offre à notre considération de ces phénomènes aucun point d'appui solide, parce qu'elle se modifie, se déplace, s’élargit sans cesse (…)». Apparaît donc la conscience de soi réflexive : «nous ne pouvons considérer ces fluctuations des phénomènes de conscience qu'au moyen d'une sorte de super-conscience que nous appelons conscience de soi.» Mais le tout se complique puisque «nous sommes en présence d'interprétations et réinterprétations continuelles(…)». Le fait est que la volonté peut être la prise de conscience d’une volonté antérieure et que le besoin de fabriquer une théorie provient de la nécessité d’obtenir un point de vu décisif et final. «Toute théorie, quelle qu'elle soit, cherche à opposer aux centaines de tentatives spontanées d'interprétation que font volonté et conscience, un seul et unique essai considéré comme constant, durable, « vrai ». Or, nous l'avons vu, rien n'est moins psychologique, puisque l'essence même des processus psychiques, c'est le changement et la variabilité des interprétations possibles. L'obsession de la théorie correspond simplement au désir d'un appui solide, d'une constante, d'un repos dans la fuite de la vie psychique.» Cette théorie devient connaissance dans le sens le plus noble, mais peut être source de contentement et de joie comme source d’entrave et d’état malheureux. «Cette connaissance n'est point une compréhension interprétative; c'est une expérience immédiate, une forme de la création, la plus noble peut-être dont l'homme soit capable; c'en est certainement la plus dangereuse, car elle peut finalement conduire à la souffrance quand elle vient entraver la vie au lieu d'en être la joyeuse affirmation.»

Rank annonce par la suite que dans suite de son ouvrage «nous finirons par retrouver ce double rôle de la conscience ou connaissance consciente, source de toute joie comme de toute souffrance».

La volonté

Pour notre auteur la volonté est une force «psychique de premier plan». Les philosophes comme Schopenhauer ont condamné en quelque sorte la volonté, pour pouvoir miser sur la raison créatrice et positive. La psychanalyse y contribue aussi avec son concept de culpabilité. Pour Rank, avec la psychanalyse «l'on s'est trouvé dans le désordre actuel, avec une thérapeutique à tendances psychologiques et une théorie à tendances moralisatrices, à l'inverse de ce qui devrait être». Pour lui une véritable psychologie ne devrait pas juger ce qui devrait être ou la normalité, puisque l’artiste sort de la masse et de la moyenne et que sa vie peut être une réussite en soi. La doctrine freudienne échoue lamentablement puisqu’elle est basée sur la culpabilité de la volonté secrète comme dans le cas du complexe d’Œdipe. «Dans ce que j'avais appelé déjà dans l'Artiste : les thérapeutiques spontanées de l'humanité - religion, art, philosophie - c'est cette consolation qui agit à cause de son caractère universel d'abord, puis parce que c'est là que l'homme s'accuse, en même temps, de cette mauvaise volonté qu'il voudrait renier. Par le rite, la jouissance artistique, l'enseignement, l'homme reçoit d'autrui, prêtre, artiste ou sage, décharge et consolation. Mais ce qui domine dans le contenu de ces systèmes thérapeutiques, c'est l'accusations, le châtiment sous forme d'humilité religieuse, de soumission à Dieu, de tragiques crimes et châtiments et de justification par réaction éthique. Bref, dans toutes ces projections du grand conflit de la volonté, l’homme s'avoue, d'une façon ou de l'autre, pécheur, coupable et méchant. C'est exactement ce même processus de justification et d'autoaccusation que nous voyons se dérouler dans la psychanalyse(…).» «Dans sa « technique », la psychanalyse est consolation et justification tout autant que le peut être de par sa nature n'importe quelle thérapeutique; elle tranquillise l'homme à propos de sa méchanceté, en lui disant que la cause en est dans la nature humaine et que tous sont comme lui.» Le sentiment de culpabilité devient ainsi impossible à supprimer.

Parlant de Nietzsche, Rank dit : «Il était lui-même, première condition nécessaire au psychologue; aussi fût-il le premier, et le seul, qui pût dire oui à la « mauvaise » volonté, qui la glorifiât même(…)». Grosso modo, Schopenhauer veut nier la volonté, Nietzsche l’affirme, Freud revient la nier et Rank retourne à l’affirmation du caractère sain et nécessaire de la volonté. Le livre de Rank a pour but de dédramatiser la question de la volonté, de la replacer sur un plan plus neutre. «En soi, la volonté n'est ni si « mauvaise » que le croit, avec le vieux Testament, l'antisémite Schopenhauer, ni si « bonne » que le malade Nietzche la voudrait voir, dans la glorification qu'il en fait. Elle est un fait psychologique et le vrai problème de la psychologie est le suivant : premièrement d'où vient-elle et comment s'est-elle développée dans l'homme ? puis, ensuite, pourquoi devons-nous ou bien la condamner comme « mauvaise », ou la justifier comme « bonne », au lieu d'en reconnaître et d'en affirmer le caractère nécessaire ?» Il nous faut donc justifier la volonté. Ce sera donc le rôle de la thérapeutique. Et de quelle façon pourons-nous y arriver ? Par le développement de soi. «Autrement dit, l'homme doit devenir, par lui-même, ce qu'il est, et non se laisser modeler, par l'éducation ou la thérapeutique psychanalytique, comme c'est le cas aujourd'hui, en un bon citoyen qui accepte, sans protester, les idéals de tous et n'a pas de volonté personnelle. Telle est en effet, Keyserling le remarquait judicieusement, l'intention avouée de la cure pédagogique nivelante d'Adler, - et Prinzhorn a su le voir - l'intention inavouée, mais claire, de Freud et de sa psychanalyse, extrêmement conservatrice, sous ses allures révolutionnaires. Si l'on comprenait, si peu que ce fût, la psychologie de la volonté, on saurait, du reste, que ce conservatisme est le meilleur moyen de susciter des révolutionnaires, des hommes de volonté; ils sont, il est vrai, le plus souvent, poussés dans la névrose, par le poids écrasant de la majorité, dès qu'ils cherchent à exprimer leur volonté. Non, l'homme qui souffre de l'oppression qu'exercent sur la volonté la pédagogie, la société et la morale, doit réapprendre a vouloir, et c'est en n'imposant pas (par la force) sa volonté que l’on se procurera la meilleure garantie contre les réactions excessives. L'homme doit réaliser en lui ce qu'il est, il doit le vouloir lui-même et le faire, sans contrainte, sans justification et sans éprouver le besoin d'en rejeter la responsabilité.»

Dans la suite de l’ouvrage, ce qu’il s’agira de comprendre sont les énoncés suivants : «Bref, le moi détermine, sous forme d'intérêts définis (vouloir) dans la sphère de perception de la vie affective, les tendances élevées par la prise de conscience jusqu'à la sphère volontaire, et leur réalisation dans l'acte ou l'œuvre dépend des formes spirituelles, si l'on veut des catégories psychologiques, créées par la formation de l'idéal personnel. Tel est le schéma d'une psychologie constructive de la volonté, au centre de laquelle nous replaçons le moi conscient, avec tous ses anciens droits et ses privilèges nouvellement acquis.» Nous y reviendrons plus tard.

Pour l’instant, il faut dire que pour Rank la culpabilité ne vient pas du complexe d’Oedique mais du fait que le moi veut devenir le maître de l’univers. «Or, depuis le temps où s'organisa la domination patriarcale - et malgré qu'elle existe encore en droit - le moi conscient de l'individu est devenu lui-même un tyran orgueilleux, qui - tel Napoléon - ne se contente pas du poste de général en chef ou de premier consul, et bientôt ne se contente plus du rôle d'empereur au milieu de rois, mais veut devenir le maître de l'univers tout entier. C'est là que gît l'inévitable tragique du moi et c'est de là que provient sa culpabilité.» Cela est si vrai que tous les mythes de héros raconte la chute de l’homme qui voulait s’égaler aux dieux.

«Le drame intime que nous appelons conflit et la culpabilité qui y est attachée nécessairement, n'apparaissent, dans notre vie profonde, qu'au moment ou à l'affirmation « je veux », vient s'ajouter une tendance contradictoire.» «Cela s'accompagne d 'une modification de la conscience ainsi que de la volonté. La conscience, originairement simple expression et instrument de la volonté, devient une force indépendante qui, non seulement peut étayer et renforcer la volonté par rationalisation, mais est en outre à même de l'inhiber en la niant.»

Si on prend le mythe d’Adam et Ève, on comprend que la nature est bonne, ainsi que l’inconscient et que la conscience omniscience de l’homme sont néfaste. Pour la psychanalyse il y a contradiction. Dans sa thérapeutique elle glorifie la conscience, mais dans sa théorie, au contraire, c’est l’inconscience qui l’emporte.

Maintenant, quelle est la différence entre le mythe du héros de la Grèce classique et celui religieux biblique? «Le mythe des héros représente le vécu, l'acte, la volonté que toute conscience ne pourrait qu'entraver, ainsi qu'il est exprimé aussi dans la légende d'Oedipe. Mais le héros y trouve sa fin, inévitablement, puisque son ignorance nécessaire et voulue est précisément la condition de son acte. Le mythe religieux représente le savoir, la connaissance (de Dieu, donc de soi-même); ici la souffrance de l'homme vient de ce que la connaissance de soi empêche l'action naïve, l'entrave, tourmente l'homme sans lui procurer ni la satisfaction, ni la libération que donne l'actions, qu'il ne peut plus entreprendre, parce que, déjà, il pense, il sait trop. C'est alors que l'homme aspire au retour à l'inconscience naïve, source du salut, maudissant le savoir si chèrement acheté. La morale du mythe héroïque affirme que si l'on avait compris l'orgueil de sa propre volonté, on aurait pu éviter la chute - ce qui n'est pas exact - mais en tout cas, il fait du savoir la source du salut et du vouloir fort et actif, une fatalité.»


Dans cet ordre d’idée on peut dire que la culpabilité est le fait de s’égaler à Dieu, soit d’avoir le savoir (omniscience) et d’être créateur. «Le sentiment de culpabilité provient non seulement de la volonté de prendre la place du père, alors qu'on ne le doit pas faire, mais aussi de ce que, conformément à l'évolution, on doit devenir père, créateur, et qu'on ne le veut pas.» «Le père n'est donc qu'une première personnification modeste du vouloir conscient, qui bientôt ne se contente pas de cette représentation réelle, et dont le degré prochain de développement, plus superbe encore, est symbolisé par le Dieu créateur tout puissant et omniscient.» Aussi ce que fait le mythe du héros est de magnifier la volonté créatrice. Mais cette volonté créatrice produit étrangement de la culpabilité. «Il en résulte qu'une philosophie de la volonté doit être ou bien profondément pessimiste si elle met l'accent sur la culpabilité, ou bien profondément optimiste comme celle de Nietzsche si elle affirme la puissance créatrice de la volonté.»

La névrose moderne est donc le fait d’un individu qui exaspère nos déchirements personnelles. «Le névrosé - nous le sommes tous à un certain degré - souffre précisément de ce qu'il ne s'accepte pas lui-même, de ce qu'il ne peut pas se supporter, pourrait-on dire; il se voudrait autre.» Autrement dit, il faut résoudre le fait qu’il y a deux façons d’être : être un héros et exercer sa volonté sans en avoir conscience et dépasser les limites et déchoir ou bien être passif et bloqué sa volonté par sa connaissance, sa conscience. «Le type créateur spirituel, que j'ai appelé « artiste », vit dans un continuel conflit entre ses deux extrêmes. Il le résout - pour lui et pour les autres - en transposant en connaissance l'affirmation de la volonté; en d'autres termes, il manifeste spirituellement sa volonté et transpose en formation d'idéal éthique, l'inévitable sentiment de culpabilité qui l'éperonne vers un développement plus haut de soi et le rend capable d'être de plus en plus sublime.»

Si l’on récapitule, le problème majeur en est un entre vivre et connaître, dans lequel le «développement de la conscience qui, d'outil de la volonté, devient la tourmentante conscience qu'a de soi l'individu moderne». La conscience de soi y trouble ou y entrave la volonté. «Si d'abord la volonté était mauvaise et sa négation cause de toutes les souffrances, maintenant c'est le savoir conscient de nous-mêmes et de nos problèmes, en d'autres termes, la découverte de ce processus de négation, qui est le mal, le péché, la faute.»


Mais la conscience peut aussi être une source de plaisir. Quand la volonté s’accorde avec la conscience, alors nous avons le bonheur. «La réussite de la volonté, qui se manifeste dans le vécu, la conscience de cette réussite dans l'événement, tel est le mécanisme du sentiment de plaisir que nous appelons bonheur.» Le bonheur et la souffrance apparaissent dans la sphère affective. On peut toujours dompter les désirs sexuels ou les satisfaire, mais l’affectivité est autrement puissante. «Il n'en est pas de même de la vie affective, impossible à dominer et à satisfaire, dont l'essence même réside en ces deux impossibilités.»

Concernant le rapport de la vérité avec la réalité : «L'on ne voit et n'entend, chacun le sait, que ce que l'on veut; non ce qui est. Ce qui est, il faut d'abord l'apprendre, en surmontant la tendance à renier tout ce que l'on ne veut pas voir, entendre ou percevoir.» «La vérité est donc le phénomène conscient d'accompagnement, l'affirmation du succès constructeur et créateur de la volonté; elle est, dans le domaine intellectuel, analogue à la sensation de plaisir, éprouvée au moment de l'affirmation de la volonté. C'est pourquoi la vérité procure du plaisir intellectuel, comme le doute cause du désagrément. Comme sentiment positif vécu, la vérité signifie : il est bon, il est juste, il est agréable de vouloir. C'est donc le vouloir même dont l'affirmation procure l'agrément intellectuel.» La volonté de vérité peut ainsi mettre fin au doute; doute qui est en rapport avec la contre-volonté. «Si nous agissions autrement, nous verrions se fermer la dernière issue intellectuelle pour justifier notre vouloir qui est ici vouloir de la vérité, aspiration au savoir qui devra mettre fin au doute.» La vérité peut aussi être destructive. «On ne peut vivre avec la vérité et, pour vivre, on a besoin d'illusion. Non pas seulement d'illusions collectives, comme celles qu'offrent l'art, la religion, la philosophie, la science et l'amour; mais d'illusions personnelles.» Le névrosé ne recherche pas la vérité de son plein gré, il y est plutôt contraint. «Il ne cherche, par conséquent, pas une vérité objective générale, il trouve sa propre vérité subjective qui dit je suis si petit, et si mauvais, si faible et si vain, que je ne puis me faire illusion sur moi-même; ni m'accepter comme un individu de pleine valeur.» Pour ce qui en est du type créateur, il se produit une adaptation à la volonté par une éthique personnelle. «La conscience créatrice a aussi son contenu, mais elle s'attache surtout à élaborer des contenus subjectifs, des fantaisies de toutes sortes qui, en définitive représentent des phénomènes de volonté.» «La psychothérapie, dont le but est avant tout de conduire l'individu à l'acceptation de soi et, par suite, de la réalité, doit donc, de par sa nature, donner des illusions, et non la vérité au sens psychologique, puisque c'est elle qui fait souffrir le névrosé.» Notre malheur vient du fait que nous recherchons de nouvelles illusions et «luttons aussi désespérément pour la vérité sur nous-mêmes, (ce) qui augmente chaque fois notre malheur». Malheureusement, la psychanalyse «favorise (le) processus de connaissance si propice à l'hyperconscience destructrice».

Le soi et l’idéal

Otto Rank considère la sexualité comme une très grande force qui provient de l’espèce, mais minimise le complexe de castration et l’Œdipe. Il nous assure que la volonté individuelle peut triompher de la sexualité ou la réaliser harmonieusement. «Dans ce que Freud appelle période de latence (entre la première enfance et la puberté), le moi de l'individu, sa volonté propre, s'est fortifié et s’est dressé, le plus souvent en des réactions révolutionnaires, contre les parents et autres autorités qu'il n'a pas choisie lui-même. Dans la lutte qui commence alors contre la sexualité, le moi appelle au secours les inhibitions parentales autrefois combattues, les prend comme alliées contre l'instinct sexuel plus puissant.» Ce qui fait «qu’à l'âge pubère, alors que, d'une part, l'individu s'éveille à l'autonomie volontaire et, d'autre part, se défend contre la contrainte de la sexualité conforme à l'espèce, il trouve de puissants motifs volontaires de s'approprier ces interdictions parentales antérieures et toutes les inhibitions morales dont il a autrefois pris connaissance, pour les utiliser victorieusement dans la lutte contre la sexualité». On voit ici que la sexualité est moins dramatiquement vécue que dans le freudisme. Si dans un premier temps le sur-moi est le résultat d’interdits externes il apparaît qu’à l’âge de la puberté l’individu fait un travail sur lui-même, une forme d’éthique créative, pour faire sienne les principes de la société. À partir de ce moment la force du refoulement devient moins active, puisque la volonté devient en accord avec la conscience. «Toute la différence consiste en ce que l'on ne supporte pas cette contrainte tant qu'elle est extérieure et que la volonté réagit par négation. Mais si ce conflit extérieur s'intériorise, deux réponses deviennent alors possibles, dont l'une conduit à des réactions névrotiques, l'autre, à des lois éthiques.» Contrairement à ce que Freud croyait : plus grande force du ça et du sur-moi face au moi conscient, la contrainte peut être très bien vécue. «Mais si la volonté personnelle dit : Oui ! à cette contrainte, à cette obligation intérieure, la contrainte se transforme en liberté intime, volonté et contre-volonté s'unissant dans une même affirmation, dans un même vouloir.» À ce moment de relative harmonie se crée un idéal assumé par le créateur. Toujours à l’âge de la puberté, il se forme des idéaux basés sur des modèles prestigieux : écrivains, acteurs, philosophes, musiciens, instituteurs. Ce sont des modèles influencés par la liberté de l’adolescent. L’influence des parents diminue relativement. «Or ces idéals, on les choisit déjà d'après son individualité, et non plus d'après ses parents.» «L'important, c'est que tout ce qui est créateur, quel que soit son genre de manifestation - même la névrose - est dû à cette aspiration de l'individu, à sa volonté personnelle de se libérer du code moral traditionnel et de puiser en lui-même son idéal éthique personnel qui, en plus des normes qu'il lui fixera, lui donnera l'assurance de pouvoir créer et d'être heureux. Ce processus de formation d'idéal personnel, qui commence par l'établissement de règles morales intimes, est une grandiose tentative pour transmuter la contrainte en liberté.»

C’est à ce moment que nous sommes prêts pour la volonté du bonheur.

«On ne peut y parvenir par une voie tracée au cordeau et sans obstacles; c'est, au contraire, une lutte continuelle contre des puissances extérieures, un conflit incessant des puissantes intérieures, dans lequel l'individu doit expérimenter par lui-même tous les stades de développement. On ne peut l'éviter; on ne le doit pas non plus, car c'est justement cette expérience, cette lutte qui est précieuse, constructive, créatrice; elle inhibe la volonté, mais en même temps, elle la renforce et la développe.»

«Le stade suivant est déjà caractérisé par le sentiment de scission de la personnalité, par le désaccord entre la volonté et la contre-volonté, ce qui est autant une lutte contre la pression du monde extérieur (la morale) qu'un conflit intérieur entre les deux forces de la volonté. Le facteur constructif s'élève au delà de la simple acceptation morale et instinctive du devoir jusqu'à la formation de l'idéal personnel qui - nouvelle puissance tendant vers son but, peut, selon le cas, agir par construction ou inhibition. Durant ce stade, le développement peut prendre les formes névrotiques ou créatrices, qui n'existaient pas au premier stade. Ici encore, tout dépend de la place que prend la volonté par rapport aux instances psychiques morales et éthiques, appelées ou créées par elle, mais qui, une fois éveillées à la vie, deviennent elles-mêmes des puissances. La volonté est donc toujours contrainte de prendre à nouveau position; d'abord en face du donné, puis à l'égard de ses propres créations, et enfin vis-à-vis de ce qu'elle veut.» Malgré toutes ces manifestations complexes la vie peut devenir légère et cesser d’être tragique. On devient ainsi homme de volonté et d’action. «En créant son idéal, par des transfor-mations et des refontes successives, ce type s'est créé un monde intérieur si souverain, si particulier, un monde à lui qui n'est pas un simple substitut de la réalité extérieure (originairement éthique), mais pour lequel la réalité ne peut jamais offrir que de si faibles compensations, que l'individu est contraint de chercher satisfaction et salut dans la création et l'objectivation de son monde personnel. Bref, ce type n'accepte avec la tradition et l'obligation, avec tout ce qui est désiré et voulu, tout ce qui est aspiration et devoir, aucun compromis; il n'en fait pas davantage une simple somme; il crée, au contraire, une unité nouvelle : la personnalité forte avec sa volonté autonome, la plus haute création à laquelle aboutisse la coopération de la volonté et de l'esprit.»

Si l’on prend les trois types d’hommes : le premier, l’homme ordinaire, le deuxième, le névrosé et le troisième, le créateur, cela nous donne ce qui suit. «Le premier type d'adaptation a donc besoin de la contrainte extérieure. Le deuxième, le névrosé, se cabre en présence de toute espèce de contrainte, extérieure ou intérieure; le troisième, le créateur, a maîtrisé la contrainte par la liberté. Le premier se soumet au réel, le deuxième se regimbe contre son pouvoir, le troisième, pour lutter contre sa pression, se crée une réalité subjective qui le rend indépendant et lui donne en même temps, la possiblité de vivre dans la réalité, sans entrer en conflit avec elle.»

Pour le névrosé, la thérapeutique doit l’amener à s’accepter et à devenir lui-même sa propre personnalité.

«L'homme moyen, adapté à la réalité, trouve la justification de sa volonté individuelle dans celle de la majorité, qui a une orientation identique; toutefois, par là, il accepta aussi les tentatives universelles de justification et de décharge de la société (règles morales et projections religieuses). Le névrosé, à qui son plus fort développement individuel donne l'impression d'être bien différent des autres, ne peut accepter ni les normes, ni les justifications générales; mais il ne peut pas non plus accepter celles qui viennent de lui-même, parce qu'elles seraient l'expression de sa volonté personnelle, qu'il lui faudrait alors accepter. Le type créateur au contraire accepte, comme nous l'avons vu, et soi-même et les idéals qu'il forme, donc sa volonté personnelle; il le fait, en tout cas, dans une bien plus large mesure que tout autre type.»

Ce qui fait que «l'idéal de la personnalité est un idéal véritable au sens propre du terme : être comme on voudrait être».


«Dans le domaine de la conscience, nous trouvons ces différentes phases d'évolution exprimées en trois formules correspondant à trois époques, à trois conceptions du monde et à trois types d'hommes. La première est la formule apollinienne : Connais-toi, toi-même ! - La deuxième, la dionysienne : Sois toi-même ! - la troisième est celle de la connaissance critique : Détermine-toi, toi-même ! (Kant). - La première formule repose sur la comparaison avec d'autres et conduit, selon la mentalité grecque, à l'acceptation de l'idéal commun; elle contient implicitement la morale que Socrate fut seul à exposer consciemment et qui sert encore de fondement à la thérapeutique psychanalytique : Connais-toi, pour t'améliorer (dans le sens des normes communes). Il ne s'agit donc pas de connaître pour connaître, mais de connaître pour s'adapter. Le deuxième principe, au contraire du premier, rejette la comparaison et l'amélioration qui en résulte, et pousse à l'acceptation de ce que l'on est en dépit de tout. Pour l'opposer au principe de l'Apollon Delphique, je l'ai appelé dionysien parce qu'au lieu de conduire à l'adaptation, il conduit à la destruction extatico-orgiastique, ainsi que le montre non seulement la mythologie grecque, mais encore le « Peer Gynt » d'Ibsen, que ce principe conduit à l'asile d'aliénés. Dans son déchaînement dionysiaque, le soi véritable est non seulement antisocial, mais aussi amoral; c'est pourquoi il conduit l'homme à sa perte. Ainsi en aspirant ardemment à être soi, le névrosé accepte, en quelque sorte, sa névrose et c'est peut-être la seule manière dont il dispose pour s'affirmer lui-même. Il est déjà lui-même, pourrait-on dire; il l'est, en tout cas, beaucoup plus que les autres et n'a plus qu'un pas à faire pour l'être tout à fait, dans la folie. C'est ici qu'apparaît le précepte kantien : détermine-toi, par toi-même ! qui exige une vraie connaissance de soi, pour pouvoir réellement devenir soi, premier essai constructeur au sujet de ce problème. C'est là ce qui fait l'importance universelle épistémologique et morale de Kant. Il ne nous a point donné de psychologie; mais c'est là aussi un aspect de sa grandeur; car c'est en évitant de faire de la psychologie qu'il a pu échapper à tous les reniements, à toutes les rationalisations et interprétations qui constituent le contenu de la plupart des théories psychologiques, y comprise celle de Freud.»

La façon dont Freud s’est représenté la névrose de culpabilité est éminemment Judéo-chrétienne. Et c’est ce qui fait sa faiblesse, car il n’est pas capable de résoudre l’énigme de la vie. «Le contenu de la doctrine freudienne concorde avec celui de la morale religieuse occidentale, dont nous souffrons nous-mêmes parce qu'elle est incapable de résoudre le problème individuel.»

Création et culpabilité

Le type créateur poursuit sa propre voie et débouche sur l’obligation constructive. «Cette obligation, que nous avons décrite dans la formation d'un idéal personnel de l'individu, peut conduire - si la volonté peut s'accepter elle-même ainsi que son action dans cette phase éthique - à la création, qui change, et transforme, et reforme les données extérieures et intérieures, selon le vouloir individuel.»

Mais les premières manifestations autonomes de la volonté, et c’est ce qui explique la création, sont chez l’enfant, des volontés pensées et imaginatives qui ont à voir avec une certaine forme de fantaisie; elle se manifeste quand l’enfant joue. «Cela semble bien conforme à mon idée que les rêveries des hommes (enfants comme adultes) ne tendent pas tant à la satisfaction de ce qui est réellement interdit comme mauvais, qu'à la réalisation de la volonté en elle-même.» «Les fantaisies s'objectivant dans l'œuvre, il est certain qu'en même temps le contenu défendu se trouve réalisé de quelque manière; mais finalement, c'est l'expression de la volonté dans la création, la production, l’affirmation, qui donne satisfaction et souvent bonheur.»

L’homme moyen, équilibré cache et dissimule ses rêveries à autrui, le névrosé se les cachent à lui-même par le refoulement et le créateur les affirment, les imposent dans son œuvre. Le créateur affirme et manifeste fortement son individualité en créant, mais devra se racheter. «Le type créateur doit racheter constamment la manifestation et la réalisation continuelles de sa volonté; il le fait, à l'égard d'autrui et de lui-même, par l'œuvre qu'il donne aux autres et qui le justifie.»

Pour le névrosé «la conscience de culpabilité n'est que l'expression du reniement de sa volonté, au lieu d'être la réalisation créatrice de la volonté qui rend coupable effectivement». Entendu que «l'œuvre - comme la vérité - réclame une approbation générale mais il faut continuellement surmonter, par des efforts renouvelés de la volonté créatrice, la culpabilité, qui à la fois l'entrave et la stimule». La création est bien loin d’être une sublimation de la libido, car «c'est la gigantesque lutte entre nature et esprit, contrainte et volonté, que Freud tenta de décrire dans le concept éducateur de «sublimation», sans y reconnaître la différence fondamentale qu'il y a entre procréation et création, engendrer et créer, outil et artisan, créature et créateur !»

«Nous reconnaissons donc dans l'impulsion créatrice non seulement la forme la plus haute de l'affirmation de la volonté individuelle, mais aussi la plus grande victoire de la volonté individuelle sur la volonté de l'espèce, représentée par la sexualité. C'est une victoire semblable de la volonté individuelle sur la volonté de l'espèce, que révèle l'exigence individuelle d'amour dont l'importance psychologique consiste en ce que l'individu ne peut, ni ne veut, jouer son rôle dans l'espèce que sous une forme individuelle, personnelle. C'est là, semble-t-il, la forme créatrice du type moyen qui veut pour soi une certaine individualité, et qui, s'il le faut, la crée pour approuver, justifier et délivrer sa volonté individuelle. Au contraire, le créateur ne se satisfait pas de la création d'un seul individu; il crée tout un monde à son image, mais il faut aussi que le monde tout entier dise oui à sa création et la justifie par son approbation.» La création est si importante chez l’être humain que «comme la création d'amour est une affirmation du moi dans autrui; seule la création spirituelle est une création de soi dans l'œuvre : le moi y est opposé au monde, qu'il domine selon sa volonté».

Mais d’où vient cette culpabilité de la création et de l’affirmation de la volonté? «À l’élévation de l'individu au-dessus des bornes que la nature lui impose, et qui se manifeste dans le succès de la volonté, le moi réagit par la culpabilité.»

Le mythe religieux d’Adam nous aide à comprendre la culpabilité reliée à la conscience et à la connaissance. En quelque sorte, Adam s’est affranchi des lois de la nature et tente d’utiliser la sexualité à partir de son individualisation et ainsi pêche contre les lois de l’espèce. Son «châtiment, c'est la perte de la naïveté paradisiaque, de l'union avec la nature et ses lois, auxquelles il faudra désormais se soumettre». «Ce n'est pas de vouloir devenir père, ni être dieu, qui lui donne sa conscience du péché, mais c'est parce qu'il est Dieu, parce qu'il s'exerce comme créateur qu'il devient coupable; et cette faute, seule l'activité continue ou la mort peuvent la racheter.»

Le judaïsme, le mythe du héros grec et le christianisme ont tenté à leur manière de résoudre les conflits qui naissent du problème de la volonté. En cela Rank subit l’influence hégellienne. Sa réponse personnelle à cette problématique de la volonté est la suivante : «L'homme créateur commence d'abord par se tirer lui-même du chaos névrotique de la négation de la volonté et de la conscience de soi par l'affirmation de soi et de sa volonté personnelle créatrice; il se préserve ainsi, dans le progrès croissant de la conscience, de l'inhibition résultant de la conscience de soi. Il préserve son aptitude à se manifester ainsi que sa volonté créatrice individuelle, au lieu de la nier et de réagir par la conscience du péché. Il s'exprime au lieu de prendre seulement conscience de soi; il veut au lieu de savoir; il sait qu'il veut, et ce qu’il veut, et il le vit.»

Bonheur et délivrance

Aux tentatives religieuses et mythiques ont succédé le besoin de délivrance individuelle et de bohneur par l’amour pour l’homme contemporain. Le tout se fait à partir d’un principe : «C'est le principe de réalisation qui, différent du principe de réalité (Freud), a une valeur dynamique, parce qu'il ne regarde pas la réalité comme quelque chose de donné une fois pour toutes, à quoi l'individu s'adapte plus ou moins, mais la considère comme un devenir continuel en perpétuelle transformation.» Le moyen d’y parvenir est l’introspection, mais elle fait problème. «Cette introspection, il est vrai, comme toute connaissance psychologique, n'est pas créatrice; elle n'est pas une joyeuse affirmation de la volonté; c'est au contraire une douloureuse prise de conscience, une remarque décevante de toutes ces relations que nous ne voulons pas reconnaître par amour de la connaissance, mais que nous devons reconnaître parce qu'aucune autre voie ne nous reste plus ouverte.»

Le besoin de rédemption s’offre à nous sous la forme de trois aspects : «à savoir dans ses relations avec la sexualité, la vie affective et la conscience intime de l'individu».

Dans la sexualité on vise un plaisir satisfaisant mais «ce plaisir qui, dit Nietzsche, «veut l’éternité», puisqu'il s'efforce de s'écarter de la conscience temporellement conditionnée, devient peine quand la conscience nie la volonté au lieu de l'affirmer, provoquant la conscience du péché à la place de celle du plaisir. L'aspiration au salut s'empare alors de la conscience coupable, forme torturante de la conscience de soi, qui, par l'affirmation de la volonté, avait d'abord procuré du plaisir.»

Il y a encore une autre complication : le désir de bonheur et l’aspiration au salut se heurtent et se contredisent. «Car le désir de bonheur est un point culminant de l'individualisme et de son affirmation joyeuse du vouloir par la conscience personnelle; tandis que l'aspiration au salut cherche, au contraire, la suppression de l'individualité, l'égalité, l'unité, l'unification avec le tout. Aussi n'y a-t-il de bonheur que dans le succès de la volonté, de salut, que dans la suppression de la volonté par le sentiment. Mais cette suppression de la volonté, même joyeuse, on ne peut l'atteindre que par le sentiment de culpabilité, dont on cherche alors aussi à se délivrer. Ainsi le sentiment de bonheur délivre, par instant, de la contrainte de la volonté; mais en réalité, on cherche une libération définitive de la lancinante conscience de la culpabilité.»

Nous, modernes, sommes parfois tentés par l’inconscience et l’exténuation du moi douloureux; «aussi cherche-t-on le salut dans l'inconscient qui, de son côté, essaie de séparer le sentiment de bonheur de la forme temporelle de la conscience. De là la tendance à éterniser qui se manifeste différemment dans les sphères de la volonté, de la conscience et de la culpabilité, selon que nous voulons éterniser le plaisir dans le sentiment, la conscience de soi dans la vérité, ou le moi dans l'œuvre créée».

Si l’on suit ce qui a été dit tout au long de cet exposé, beaucoup de tentative on procédé afin d’anihiler la volonté. «A Nietzsche, qui ne cherchait ni vérité philosophique, ni illusion thérapeutique, mais qui s'exprimait lui-même en créateur, il était réservé de trouver, dans la manifestation affirmative de la volonté par la création de soi, la seule rédemption.»

Par ailleurs, la sexualité demeure quand même une solution dans la procréation-création : «Les deux sexes jouissent du bonheur de la réalisation de leur volonté selon leur personnalité individuelle et sexuelle; ils se délivrent également de la conscience individuelle dans l'extatique et éphémère oubli de soi de l'ivresse sensuelle et de l'abandon sentimental; ils se libèrent enfin du péché par la création générique que l'éducation de l'enfant transformera ensuite en création individuelle.»

L’ouvrage d’Otto Rank se termine comme elle a commencé : pour le type créateur il lui faut avoir une attitude d’acceptation et d’affirmation de la volonté et il faut qu’elle soit concrête et qu’elle est lieu dans la réalité.

«En affirmant, au lieu de la nier ou de la renier, la volonté personnelle, on fait naître « l'instinct vital », et l'on trouve bonheur et délivrance dans le fait de vivre et dans ce qu'on vit, dans la création et son acceptation, sans qu'on ait besoin de se demander comment ? d'où ? dans quel but ? pourquoi ?»

«Le bonheur ne peut se rencontrer que dans la réalité, nullement dans la vérité; et ce n'est jamais dans, ni par la réalité, mais en nous-mêmes et par nous-mêmes que nous trouverons la délivrance.»

Publicité
Publicité
Commentaires
Divagation
Publicité
Archives
Publicité