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Divagation
3 janvier 2011

L’envie et la gratitude

«Mélanie Klein (1882-1960) a commencé sa formation de psychanalyste à Budapest sous la direction de Sandor Ferenczi, puis à Berlin où elle est fortement influencée par les idées de Karl Abraham. Mais c’est à Londre où elle s’installe à partir de 1926, sur invitation d’Ernest Jones qui fut un des premiers à reconnaître son génie, que se déploie toute son activité de clinicienne, de théoricienne et de chef d’école. Elle fut d’abord célèbre pour son œuvre de pionnière dans le domaine de la psychanalyse des enfants où elle s’oppose aux vues d’Anna Freud. Mais, progressivement, son exploration des fantasmes et des mécanismes mentaux les plus archaïques l’amène à élaborer une conception de l’inconscient absolument originale.»

Psychothérapie analytique versus thérapie comportementale et cognitive

D’entré de jeu, distinguons ces deux grands courants en psychothérapie. Le plus efficace, comportemental et cognitif, ne pose pas la question, et ne tente pas d’y répondre, de savoir le pourquoi je suis ainsi; donc, très peu d’analyse. Par contre, il tentera de modifier les attitudes, les comportements et les modes de pensée. Selon la théorie, il faudra «se confronter à ce que l’on redoute ou à ce qui nous est difficile»; y répondre, en faisant de petits pas. Ce qui est très efficace si le patient, qui est plutôt un intervenant actif, collabore.

Pour l’analyse c’est une toute autre chose. «Le principe d’une psychothérapie analytique est que comprendre et revivre, au travers de la thérapie, des éléments de (notre) passé, ce qui va permettre de (nous) débarrasser de ses difficultés, qui représentent des formes de blocage sur une époque donnée de (notre) vie. Ces blocages sont à l’origine de compulsions de répétition, autrement dit d’une inexorable tendance à rejouer une difficulté non réglée de (notre) enfance.

Les objectifs de ces thérapies sont principalement d’aider le patient à prendre conscience de certaines significations cachées de ses difficultés et, au fond, d’acquérir une plus grande lucidité sur lui-même (…), (et permettre) de comprendre et de revivre des relations nouées avec les personnes importantes de son enfance, sources des difficultés dans les relations de la vie adulte.» (André et Lelord)

Le degré de scientificité de la psychanalyse

Disons, en premier lieu, que cette science n’en est pas une expérimentale. Elle est plutôt expériencielle, basée sur les connaissances que l’on peut mettre en forme à partir de l’expérience de la clinique, dans laquelle le patient fait par des anecdotes et événements déterminants de son enfance, de ses rêves et de la façon dont il doit affronter la vie, une rétrospective signifiante. Pour qu’une science soit, d’une certaine manière expérimentale, il faut dans la collecte des données, dans la mesure du possible, éviter d’interférer le plus possible. Avec la naissance de la psychanalyse, avec Freud, à ce propos, il y a un problème de biais et d’interférence. Il est admis, aujourd’hui, que, dans le récit de l’histoire de ses premières patientes, Freud y ajoutait des détails imaginaires pour que les faits corroborent son interprétation et sa construction théorique. Ce qui rend l’ensemble un peu fragile. Mais il y a plus. Avec le temps, on en est venu à douter de l’importance de certaines considérations. Énumérons-en quelques unes. Commençons par les plus faciles à réfuter : les lapsus et les actes manqués. On peut très bien dire sexe au lieu de sac ou cul au lieu de cou. Mais j’ai remarqué que bien souvent cela relève d’une fatigue mentale, en fin de journée, ou après avoir bu quelques verres d’alcool. On est bien loin d’une quelconque interférence inconsciente. Pour les actes manqués, cela est encore plus évident. Oublier son parapluie connoterait un désir sexuel! Très étrange. Passons aux rêves. Freud n’a pas tout inventé ce qui se trouve dans L’interprétation des rêves. Un inconnu avait défriché le terrain, quelques décennies auparavant, dans un ouvrage presque disparu. Le problème avec la psychanalyse c’est cette tendance à absolutiser des événements, des comportements, des situations. Interpréter tous les rêves est une erreur en soi. Il y a peut-être 20 pour cent des rêves qui s’y prête. Une digestion difficile de certaines nourritures entraîne parfois des scénarii délirant. Dans certains autres cas l’histoire nocturne vient compléter et corriger les événements de la journée. Et il est admis que le rêve sert à consolider la mémoire des événements et de ce que l’on a appris durant la journée, en lien avec la mémoire à court terme et celle à long terme. Finalement, il y a aussi l’envie du pénis, l’envie du sein maternel, bon ou mauvais premier objet et le traumatisme de la naissance. Il en ressort que pour apprécier et pratiquer la psychanalyse, il faut un certain dégré de croyance envers le corpus et les concepts proposés pour l’explication de la psyché humaine. Il faut dire qu’au tout début de la psychanalyse, il y a eu une forme d’enthousiasme religieux, adulatif, envers le père fondateur. Père, c’est le cas de le dire. Durant les premières années de notre vie, on est très peu critique à propos de notre géniteur. Et dans le développement de la théorie psychanalytique les lecteurs n’ont pas été toujours assez critiques.

L’inconscient

La question de l’inconscient est vraiment la plus délicate. Pour la psychiatrie il existe aucun souvenir avant les deux premières années de la vie. C’est justement ici que va se jouer le concept d’inconscient. En analyse, l’analyste rapporte que des patients peuvent revoir survenir des épisodes de cette période nébuleuse; comme le fait, théoriquement, Mélanie Klein en parlant du sein comme «pouvoir» de création, qui se retrouvera envier, plus tard. Il semblerait qu’au moment où l’inconscient se forme (peut-être 2 ans), il n’y a plus de sein maternelle; ce qui est problématique pour cette idée de bon ou mauvais objet : le sein.

L’inconscient se définissant en opposition au conscient, il faudrait peut-être attendre que la conscience puisse bénéficier de la stabilité et de la durée du moi, grâce à une mémoire enfin constituée, pour parler des effets de l’inconscience. Par contre, à partir d’un peu plus de 2 ans tout devient possible dans l’interprétation. «Les acquisitions théoriques suite à l'analyse de Rita (de 2 ans et 9 mois à 3 ans) sont nombreuses et importantes telles que: présence précoce d'un surmoi sévère; vaste variété de fantasmes sadiques anaux et urétraux; de même qu'un aperçu sur l'Oedipe féminin. Après coup, Melanie Klein y puisera les germes de sa théorisation personnelle, utilisant le matériel de ces premières analyses pour construire, à compter de 1934, son propre système. Sur le plan technique, l'analyse de Rita amène l'éclosion de nouvelles idées»

Envie, jalousie /  gratitude et amour

Avant d’entrer brièvement dans l’essai Envie et gratitude, disons quelque chose d’important. Pour Mélanie Klein, «la fonction première et prédominante du moi est d’affronter l’angoisse». Et l’angoisse, à l’âge adulte, peut devenir envahissante. Mais il faut dire que certaine substance comme le canabis, à trop forte contenance, va produire un «mauvais voyage (trip)», qui, s’il se répète trop souvent, va entraîner anxiété et angoisse pour le restant de la vie. Seulement des molécules chimiques vont pouvoir prévenir ou engourdir le mal. Une psychothérapie peut aussi être recommandée.

Mais revenons à notre auteur. L’angoisse survient donc très tôt dans l’enfance. «Il est clair (mais le fait reste à être vérifié) que s'il était possible d'entreprendre une analyse de l'enfant au moment des frayeurs nocturnes, ou peu de temps après, et d'apaiser l'angoisse, c'est les racines mêmes de la névrose qui seraient extraites et les possibilités de sublimation libérée. Or, mes observations personnelles me portent à croire que l'investigation psychanalytique n'est pas impossible à cet âge.» «Si, comme je le soutiens, le moi entre en activité dès la naissance (ce qui est impossible à prouver), c’est parce qu’il existe une angoisse primordiale, engendrée par la menace, au-dedans, de l’instinct de mort.» Pour ma part, je ne crois pas qu’il existe un tel instinct. Peut-être que pour faire cesser la détresse psychologique ou la douleur nous ressentons des pulsions de mort, mais tout cela est hautement spéculatif et schématique.


Par contre, si on revient à l’enfant de 2 ou 3 ans, «nous retrouvons l'idée maîtresse que c'est sous l'action des pulsions destructrices déclenchées lors du sevrage que l'enfant se détourne de la mère pour se porter vers le père». Ce qui semble assez vraisemblable.

Ce qui suit est encore plus intéressant et semble plus juste. Mélanie Klein y atteint un grand degré de compréhension. «La grande acquisition de 1928 concerne le rôle du "besoin de savoir" dans les attaques sadiques dirigées contre les parents. Ainsi, tout le développement cognitif de l'enfant allait se centrer sur la scène originaire ou, ce qui lui est antérieur, le fantasme des parents combinés. Les questions sur l'origine des enfants et sur la nature des rapports entre les parents sont au cœur du désir de savoir de l'enfant. La frustration de l'enfant devant cette "chose" qu'il ne peut comprendre l'amène à diriger ses attaques sadiques sur le couple parental combiné.

La psychose serait ainsi le fait d'une incapacité de l'enfant d'établir une distinction entre l'objet d'origine (le ventre de la mère) qui est visé par le sadisme, et les autres objets de la réalité, provoquant le retrait défensif de l'investissement.»

Tout ceci nous ramène à l’envie qui peut aussi se manifester sous la forme de la jalousie. Le retrait défensif de l’investissement amène l’enfant à percevoir la mère comme un mauvais objet. Il s’en suit de l’amertume et du ressentiment envers la vie en général, parce que nos premières relations n’ont pas été saines et concluantes. Donc plutôt que d’avoir une saine gratitude et de l’amour, nous nous retrouvons avec de l’envie. Et saisir tout ce mécanisme, et en prendre conscience, devrait nous guérir, en parti.

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