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Divagation
30 novembre 2010

L’action Humaine

Je dois maintenant revenir sur le volumineux livre de Von Mises, L’action humaine. J’ai mentionné que la première partie, la praxéologie, était sans aucune valeur réelle. Ce n’est pas le cas de la deuxième partie. On y découvre de grandes vérités sur l’individu et sur la société. Mais il y a aussi des erreurs qui nuisent grandement à la compréhension de l’essence de la société. Commençons par la plus évidente et la plus néfaste. «Selon les doctrines (…) du holisme, du collectivisme, et de certains représentants de la psychologie structuraliste, la société est une entité qui vit de sa vie propre, indépendante et séparée des vies des divers individus, agissant pour son propre compte, visant à ses fins à elle qui sont différentes des fins poursuivies par les individus.» Cette assertion, Von Mises la conteste. Pour lui la société n’existe pas indépendamment des individus, donc, les buts de la société sont les mêmes que ceux de l’individu. Ce qui est grandement contestable. Il n’est pas non plus d’accord avec le fait qu’«afin de sauvegarder l'épanouissement et le développement futur de la société, il devient nécessaire de maîtriser l'égoïsme des individus, de les obliger à sacrifier leurs desseins égoïstes au bénéfice de la société». Pour qu’elle raison il n’est pas en accord avec cela vient du fait que l’école Autrichienne d’économie refuse que le gouvernement, principal acteur des buts de la société, n’intervient pour corriger les externalités qu’engendre l’économie de marché par ses représentants : la grande entreprise. Avec ironie et sarcasme, notre auteur dit que «toutes les doctrines globalistes (…)doivent admettre que la Providence, par ses prophètes, apôtres et chefs charismatiques forcent les hommes — qui sont mauvais dans leur nature, c'est-à-dire enclins à poursuivre leurs propres fins — à marcher dans les voies de droiture où le Seigneur, le Weltgeist (l’esprit du monde), ou l'Histoire, veut qu'ils cheminent. Ceux qui croient que l’individu doit primer sur la société sont enclins à ridiculiser leurs adversaires qui, socialistes ou autres, croient que la société doit imposer des règles, des freins à l’individu qui a, malheureusement, tendance à ne penser qu’à lui. Les tenants de l’économisme disent ainsi que les conceptions collectivistes ont le fâcheux défaut d’infantiliser les individus en prétendant qu’ils ne font pas toujours des choix rationnels. Et c’est ici que la faiblesse de l’analyse est évidente. Testons les faits avec la doctrine des libéraux.

Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, les femmes sont entrées sur le marché du travail, en participant à la production industrielle. Par la suite, ayant aimé leur degré d’autonomie avec leur salaire non négligeable, elles ont tenu à continuer à travailler. Le résultat est probant. L’économie fonctionna assez bien durant les Trentes glorieuses (1950-1980) du fait de la consommation de masse, à laquelle les femmes participaient. Le résultat aujourd’hui est que 75% du budget des familles est directement contrôlé par la femme. Malheureusement, il y a trop de vêtements et de produits de beauté inutiles achetés. On peut dire que l’homme, le mari, consomme lui aussi de manière insensée. Trop d’outils achetés qui ne servent pas, sinon que quelques fois. Des voitures trop coûteuses et trop souvent changées. Je ne crois pas que les décisions de consommation soient toujours rationnelles. Au contraire. Et c’est là qu’apparaît la faiblesse des conceptions des apôtres de l’individualisme. Non, le consommateur n’est pas guidé uniquement par des choix rationnels. Et la publicité est justement là pour inciter à des dépenses incongrues et aveugles, voire irrationnelles.

Pour cette raison et pour bien d’autres, la société est au-dessus de l’individu. Je le répète : elle se doit de réguler les décisions néfastes. Sinon, ce sera l’enfer écologique, à plus ou moins long terme. Et cela les libéraux et les économistes de toutes tendances le refusent. Et c’est bien dommage et contre-productif.

J’ai quand même mentionné que certaines considérations de Von Mises étaient intelligentes et justes. Donnons-lui la chance de nous le démontrer.

La plus grande découverte dans l’histoire de l’humanité, vecteur d’immense progrès, est la division du travail. C’est aussi ce qui a amené et généré la plus-value ou la valeur ajoutée, en d’autres mots. Et c’est ici que le bas blesse. Le capitaliste s’accapare la plus-value sans jamais véritablement travailler. Certes, il amène l’investissement et court des risques, mais ce profit pourrait être administré par les travailleurs, avec l’aide de spécialistes, et être réaloué dans l’investissement et dans des salaires plus élevés pour les coopérants. Il faut préciser que cette façon de faire, qui a démontré sa faisabilité, est loin d’être du communisme.

Mais pourquoi la division du travail est si importante?

Pour plusieurs raisons. Mais mentionnons les principales. La coopération. La solidarité. Je dois compter et apprécier le travail qui a été fait avant le mien. Je suis responsable de mon travail qui doit être bien fait pour que celui qui poursuit arrive à bien faire le sien. Etc. Le plus important est sans nul doute la sympathie. Le fait de me sentir lié à autrui. «Dans le cadre de la coopération sociale, peuvent émerger entre les membres de la société des sentiments de sympathie et d'amitié, un sentiment de commune appartenance. Ces sentiments sont la source, pour l'homme, de ses expériences les plus exquises et les plus sublimes ; ils sont les ornements les plus précieux de la vie, ils élèvent l'animal humain aux hauteurs de l'existence réellement humaine.»

«La société, c'est l'action concertée, la coopération. Les actions qui ont fait apparaître la coopération sociale et qui la font réapparaître quotidiennement ne visent à rien d'autre que la coopération et l'entraide avec d'autres pour l'obtention de résultats définis (…). Le complexe entier des relations mutuelles créées par de telles actions concertées est appelé société. Il substitue la collaboration à l'existence isolée — au moins concevable — des individus. La société est division du travail et combinaison du travail. Dans sa fonction d'animal agissant, l'homme devient un animal social. L'individu humain naît dans un environnement socialement organisé. En ce sens seul nous pouvons accepter la formule courante, que la société est — logiquement et historiquement — antécédente à l'individu. La société n'est rien d'autre que la combinaison d'individus pour l'effort en coopération.» Suit immédiatement après un commentaire qui me semble faux : «Toutefois ces sentiments ne sont pas, quoi qu'en ait cru certains, les agents qui ont engendré les relations sociales. Ils sont le fruit de la coopération sociale, ils ne s'épanouissent que dans son cadre ; ils n'ont pas précédé l'établissement des relations sociales (…).» Nous avons déjà mentionné que les animaux supérieurs ressentaient de la sympathie, pourtant il ne forme pas encore une société. Parce qu’«il ne faut jamais oublier que le trait caractéristique de la société humaine est la coopération intentionnelle (…). La société humaine est un phénomène spirituel et intellectuel». Étant donné qu’il y a pas de véritable société (coopération intentionnelle) chez les animaux, mais que la sympathie est présente, nous sommes obligés de conclure que la société n’engendre pas de la sympathie (elle l’encourage), c’est donc la sympathie qui vient avant la société. J’ai dit qu’il fallait donner la chance à cet économiste de nous prouver qu’il avait des choses précieuses à nous dire, mais malheureusement il se trompe aussi souvent qu’il a raison.

«Se demander si c'est l'individu ou la société qui doit être tenu pour la fin suprême, et si les intérêts de la société devraient être subordonnés à ceux des individus ou les intérêts des individus à ceux de la société, est sans fruit possible. L'action est toujours action d'hommes individuels.» Au contraire, se questionner à ce sujet permet d’établir des ordres de priorité. Dans certaines situations, les intérêts des individus doivent être subordonnés à ceux de la société. Les penseurs qui sont contre l’interventionnisme oublient un détail. C’est que le droit protège très bien les individus contre l’abus des gouvernements liberticides. Les diverses chartes des droits individuels permettent de freiner les abus collectivistes. En cela les gouvernants ne sont pas tout puissants et aveugles. Ils ont des limites à ne pas franchir. Les pays où le rôle du citoyen n’est pas reconnu sont des pays qui n’ont pas de charte des droits. Ce n’est pas le cas au sein des gouvernements occidentaux. Les individus sont très bien protégés. Les appréhensions indues et la peur, dans ce cas, relèvent de la paranoïa et du délire de persécution. Les pays dits à gauche, avec gouvernements socialistes et interventionnistes sont les endroits où les citoyens se sentent le plus libre et protégé, excepté la question des impôts. Sous ces régimes, certains diront que les travailleurs sont spolier du fruit de leur travail par le prélèvement d’impôts élevés, mais, en fait, ceux-ci bénéficient largement de services  qui compensent en retour.

Donnons à notre auteur le mot de la fin. «(…) Le travail effectué au sein de la division du travail est plus productif que le travail solitaire, et la raison humaine est capable de reconnaître cette vérité. Sans ces faits-là, les hommes seraient restés pour toujours des ennemis mortels les uns pour les autres, des rivaux irréconciliables dans leur effort pour s'assurer une part des trop rares ressources que la nature fournit comme moyens de subsistance. Chaque homme aurait été forcé de regarder tous les autres comme ses ennemis ; son désir intense de satisfaire ses appétits à lui l'aurait conduit à un conflit implacable avec tous ses voisins. Nulle sympathie ne pourrait se développer dans une situation pareille. (…) Dans un monde hypothétique où la division du travail n'augmenterait pas la productivité, il n'y aurait point de société. Il n'y aurait pas de sentiments de bienveillance et de bon vouloir. Le principe de la division du travail est l'un des grands principes de base du devenir cosmique et du changement évolutif.»

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