Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Divagation
11 mars 2011

Les médiats

« L’indépendance est un mythe. Il l’est davantage lorsque l’on insiste à ce dire exempt de tout pouvoir de contrainte. »

Dans le monde des médias, des organismes, des instituts ou des organes de presses, il est quasiment impossible de ne subir aucune influence ou aucun détournement quelconque. Aucun média, avec des moyens et un auditoire importants, ne seraient être affranchi des mécanismes de contrôle et de prise en charge du discours qu’introduit partout le grand capital financier et industriel, afin de contrôler l’information.

Des Exemples

Il y a quelque temps, « l'International Institute for Strategic Studies (IISS) rendit public son rapport sur les "armes irakiennes de destruction massive". Selon cette étude, l'lrak pouvait, en quelques mois, produire l'arme nucléaire et était, du coup, susceptible de créer un état de désordre menaçant pour la paix mondial. Tout en prenant soin de mettre en garde contre les dangers d'une récupération politique du rapport, François Heisbourg, président de l'IISS, n'en conseilla pas moins à G.W.Bush une intervention rapide et efficace.

La presse occidentale se fit alors l'écho de ce rapport publié par un organisme présenté comme "respecté" et "indépendant". Le quotidien Libération, passé de l'auto-gestion aux mains de la famille Seydoux, active dans le yogourt et le pétrole, alla même affirmer qu'il s'agissai d'une importante contribution au débat.

En réalité, l'IISS est tout sauf indépendant. Il compte trois vice-présidents parmi lesquels un ancien vice-secrétaire à la défense des Etats-Unis ainsi qu'un ex-administrateur de Shell. Quant à Heisbourg, il a été président de Matra. Un tel profil, on l'imagine, n'est pas sans conséquence dans le dossier en question. Enfin, Paul Wolfowitz et Donald Rumsfeld participent aux conférences de l'IISS financées par Lockheed Martin et BAE Systems. L'indépendance prêtée à cet institut, étroitement lié à ce qu'on appelait naguère le "complexe militaro-industriel", ne résiste guère, on le voit, à une enquête même rapide.

De tout cela, la presse n'a pourtant soufflé mot.

Trop commode pour être crédible, la théorie du complot est insuffisante à rendre compte de ce silence collectif et il serait bien imprudent d'attribuer aux journalistes quelque intention consciente de manipulation. Il n'est pas inutile en revanche de souligner le rôle joué par les agences de presse dans la diffusion aux quatre coins du monde des conclusions de ce fameux rapport. Car ces agences sont bien placées elles, sous le contrôle des "maîtres du monde", ceux-là qui précisément animent ladite "mondialisation libérale" avec ses effets ravageurs en termes de dégâts sociaux et d'insécurité à l'échelle planétaire. Pour s'en tenir à ce seul exemple, Reuters compte parmi ses dirigeants une personnalité telle que Pehr Gyllenhammar dont la carte de visite est éloquente : fondateur de la table ronde des industriels européens, administrateur du groupe Lagardère (doublement spécialisé dans l'armement et l'édi-tion), membre du conseil international de la Chase Manhattan Bank et, par ailleurs, ami personnel d'Henry Kissinger et David Rockefeller.

La collusion des grands médias avec le nouveau complexe militaro-industriel n'explique certes pas tout. Mais elle contribue à la compréhension générale des forces qui gouvernent les processus de désinformation et des formes nouvelles que celle-ci peut prendre. On a tout lieu de craindre que, dans l'affaire irakienne, les médias participent à une politique de "militarisation des esprits". Sans doute les journalistes s'y prêtent-ils le plus souvent à leur corps défendant, sous la pression des structures dans lesquelles ils travaillent et portés par des réflexes d'autant plus spontanés qu'ils sont profondément inculqués. La tâche des intellectuels et des chercheurs dans le domaine de l'information n'en est que plus saillante : elle est d'appuyer les efforts des quelques journalistes critiques susceptibles de lutter, à l'intérieur des rédactions, contre ces réflexes dont on risque bientôt, en l'espèce, d'apercevoir les conséquences.»        Geoffrey Geuens

Publicité
Publicité
Commentaires
Divagation
Publicité
Archives
Publicité