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Divagation
7 mars 2011

Les choses de la vie

« Les hommes qui cherchent le bonheur sont
comme des ivrognes qui ne peuvent trouver
leur maison, mais qui savent qu’ils en ont une. »    Voltaire

« La vie est faite d’illusions.
Parmi ces illusions, certaines réussissent.
Ce sont elles qui constituent la réalité. »       Jacques Audiberti

L’existence humaine n’étant pas la chose la plus aisée à comprendre, il faut parfois s’en faire une représentation juste, afin d’avoir l’impression de s’y retrouver et de circonscrire adéquatement ce qui est le plus digne d’intérêt. Lorsqu’il s’agit de la vie, il n’est plus question d’ergoter et de faire dans l’extrême subtilité. Il faut choisir une fois pour toute ce qui nous animera et ce qui influera sur notre mode de vie et sur nos états d’âme. Ceci est d’autant plus important que notre morale agira lui aussi, par la suite, sur notre manière de concevoir : seront-nous optimistes ou pessimistes?    

Il existe donc deux manières de se représenter les faits humains : la première incite naturellement à retenir les intentions et les mobiles intéressés et égoïstes, alors que la seconde éclaire et explique les comportements en prenant soin d’insister sur la bienveillance et la force de détermination.

Ainsi certaines affirmations et certaines vérités permettent de mieux vivre, parce qu’elles offrent une vision qui entretient l’espoir, tout en faisant en sorte que cesse les récriminations et l’amertume.

Comme il est impossible de vivre sans jamais s’interroger, la réflexion nourrit et permet de se recentrer sur ce qui vaut la peine et sur ce qui est signifiant. Elle permet aussi de changer notre vision, et de ce fait nos attitudes face à la vie.

S’il est vrai que l’on vit qu’une seule fois, le plus grand regret serait d’admettre que notre vie a été ratée et qu’elle fut un désert de sens, dans lequel nous nous sommes plongés volontairement en commettant des erreurs d’interprétation et en prenant la vie par ses mauvais côtés.

Pour cette raison, réfléchir sur l’existence et sur notre propre vie demande un certain degré d’objectivité pour parvenir à bien concevoir, avec détachement, ce qui est manifestement la chose la plus importante : l’amour

L’amour

L’amour se vit assez bien, mais il se réfléchit plutôt mal. Si on peut le chanter dans une multitude de tonalités, c’est qu’il est manifestement riche et indescriptible. En parler c’est déchirer son aura sacrée et détruire sa force « subjuguante ». C’est briser l’enchantement magique des premiers émois. Le décrire revient à prendre une position envers ou contre l’amour, selon que nous ayons vécu des déceptions ou des amours heureux. Personne n’est neutre devant un tel sentiment.

Il faut pourtant comprendre l’amour pour mieux le vivre.

Le discours sur l’amour

Pour Alberoni, la personne qui tombe en amour est un individu dont la personnalité et l’identité sont mûres pour une transformation. On ne tomberait ainsi amoureux, selon lui, qu’à certaines périodes de notre vie, et en raison de certaines conditions. Cette explication est schématique, mais vraie, jusqu’à un certain point.

«Personne ne tombe amoureux s'il est, même partiellement, satisfait de ce qu'il a et de ce qu'il est. L'amour naît d'une surcharge dépressive qui se caractérise par l'impossibilité de trouver dans l'existence quotidienne quelque chose qui vaille la peine. Le "symptôme" de la prédisposition à l'amour n'est pas le désir conscient de tomber amoureux, ni le désir intense d'enrichir l'existence ; mais le sentiment profond de ne pas exister, de n'avoir aucune valeur et la honte de ne pas en avoir. Le sentiment du néant et la honte de sa propre nullité : tels sont les signes avant-coureurs de l'état amoureux.»

«Il est possible de rendre quelqu'un amoureux si, au bon moment, une personne se présente et lui témoigne une profonde compréhension, si elle le conforte dans sa volonté de renouveau, si elle le pousse dans cette direction, si elle l'encourage, si elle se déclare prête à partager le risque du futur en le soutenant, en restant à ses côtés, quoiqu'il arrive et pour toujours.»

«La personne dont nous tombons amoureux constitue pour nous l'élément grâce auquel nous allons modifier radicalement l'expérience quotidienne. Elle-même, en s'éprenant de nous, devient plus vive, pleine de fantaisie, plus capable de projets ; elle nous fait entrevoir une vie plus riche, plus amusante, plus fascinante, faite d'émotions intenses, de choses merveilleuses, de découvertes continuelles, de risques également. Le quotidien apparaît peu à peu comme un renoncement à tous ces biens.»

Ce qui fait défaut dans cette explication, c’est le fait que ne soit pas pris en compte l’idée inverse. Celle qui confirme que l’on tombe aussi en amour lorsque nous sommes parfaitement heureux, lorsque nous n’éprouvons aucun besoin de changement et lorsque que nous ne faisons pas particulièrement preuve de vulnérabilité ou de faiblesse.

Comme s’il était possible d’expliquer les grands élans de la vie à partir de situations négatives.

Il y a dans ces façons de voir les choses une manière de concevoir qui est douteuse et boiteuse. Tomber amoureux en réponse à un manque, c’est combler un moins être. Alors qu’il existe des situations où l’amour apparaît pour corroborer et finaliser une surabondance d’être.   

Dans l’optique d’Alberoni l’erreur serait ainsi de partir de ce postulat : «tomber amoureux est un acte de libération», et continuer sur ce thème : libération de l’emprise du quotidien, libération des institutions conformistes, libération de la morale ambiante, empoisonnante et restrictive, etc.

Le fait de devenir amoureux est autre chose qu’une réponse à des faiblesses. Il faudrait, pour avoir une juste perception de l’amour, revenir aux théologiens qui avaient beaucoup de chose à en dire.

Ces hommes qui dissertaient sur l’amour

Alphonse de Liguori mentionne que «Dieu est si bon et nous aime tellement qu’il désire ardemment que nous l’aimions à notre tour.» Pour lui c’est l’enfer qui nous attend si l’on n’aime pas Dieu. Et nous pourrions rajouter, que ce sera l’enfer sur cette terre pour nous si nous ne vivons pas de l’amour.

À l’opposé, pour Grégoire de Nysse, Dieu a créé le monde, pour que l’homme puisse exister et vivre lui aussi l’expérience de l’Amour. Comme si Dieu nous enjoignait d’aimer la vie, d’aimer nos semblables et d’aimer profondément une autre personne afin de vivre la béatitude divine, du moins la partager avec lui.

Dans cette optique, l’expérience de l’amour est quasi divine. Elle ne vient pas nécessairement nourrir un processus de transformation à partir d’une situation négative. Elle se présente plutôt comme l’accomplissement, avec la joie, de la béatitude terrestre. Impossible d’être pleinement joyeux si nous ne sommes pas amoureux, et impossible d’être amoureux si nous ne sommes pas submergés de temps à autre par la joie, qui, elle, est surabondance.

Erreurs de dénomination

Pour certain, pour que nous puissions pleinement exister, il nous faut l’assurance venant d’autrui que nous sommes aimés. La connaissance se soi, s’il elle nous éclaire sur nos particularités et certaines de nos qualités,  ne serait pas suffisante pour nous donner de la consistance. Elle pourrait même être source de méprise et d’erreurs sur soi, si l’action ne vient pas judicieusement corroborer nos évaluations sur nous-même. Ainsi on s’abuse facilement lorsque l’auto-évaluation et l’auto-considération ne sont pas appuyés par l’intervention d’autrui.

Il ne s’agit pas donc uniquement d’avoir une appréciation extérieure. Il faut que se surajoute le désir. Il nous faut être aimé pour pleinement exister.

Cette façon de voir est légèrement erronée, car on confond facilement certaine dénomination. Et il est naturel d’amalgamer une série de manifestation sous l’appellation d’un concept aussi englobant que l’amour.

Il est essentiel d’appliquer certaines distinctions.

Il est admis que nous ressentons certains besoins fondamentaux, et qu’ils peuvent être hiérarchisés. Ainsi il nous importe d’être respecté, d’être considéré et d’être admiré, et non pas toujours uniquement d’être aimé. Il s’agit d’être assuré que nous sommes important. Être aimé devient selon cette perspective moins essentiel qu’il le paraît.

Ce serait en aimant que nous parvenons à mieux exister et non l’inverse.

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