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16 décembre 2010

La domination masculine

Dans cet ouvrage, Pierre Bourdieu reprend, en quelque sorte, les résultats de sa recherche qu’il a publiée dans la première des trois études d’ethnologie kabyle. On y découvre que le discours, qui au début est fait sous forme de cosmologie et de mythologie, puis ensuite de récits concrets, bref la manière de caractériser les genres, produit des dualités qui considèrent que les qualificatifs reliés aux femmes sont négatifs et discriminants. Ce sont des qualificatifs qui donnent toujours au sexe féminin le mauvais rôle et qui sont bien davantage des défauts qui permettent d’inférioriser et d’infantiliser la femme. À force de répéter cette vision qui est androcentrique (centré sur l’homme), on devine que les dominées, les femmes, en viennent à intérioriser et à accepter cette vision négative d’elles-mêmes. Le discours n’est jamais innocent. Il produit ce qu’on appelle de la violence symbolique. Car le fait de caractériser le sexe «faible» comme étant tordu ou pervers entraîne des conséquences qui produisent un état d’infériorisation qui, s’il n’est pas produit par une violence physique, demeure tout de même de la violence infligée par la persuasion sur une psyché qui retransmettra cet état de chose sur le corps. Donc, cette violence est bien réelle. Ceci dit, étant donné la complexité de l’exposé, j’utiliserai quelques citations pour donner une idée de ce dont il s’agit.

Commençons dans l’ordre. Bourdieu s’étonne du paradoxe de la doxa. Mais qu’est-ce que la doxa? Habituellement, c’est une idée que l’on se fait sous forme d’opinion. C’est-à-dire que, n’ayant pas toutes les données du problème, nous sommes obligés de survoler rapidement et superficiellement le fonctionnement des diverses situations que nous vivons ou que nous constatons. S’il se produit un événement, il faut donc s’en faire une première idée, même si on risque d’être embrouillé. Mais il semble que, dans ce contexte précis, le paradoxe de la doxa soit, en fait, l’ensemble de nos habitudes que nous ne questionnons pas, mais qui ont été intériorisées sous forme de règles ou de normes du comportement. Autrement dit, ce qui va de soi ne va pas de soi. Le paradoxe est aussi «(…) le fait que l’ordre du monde tel qu’il est, avec ses sens uniques et ses sens interdits, au sens propre ou au sens figuré, ses obligations et ses sanctions, soit grosso modo respecté, qu’il n’y ait pas davantage de transgressions ou de subversions, de délits et de folies.» Pour donner un exemple, il suffit de penser à la circulation et aux règles qui doivent être respectées. Mais il y a autre chose de déterminant. C’est qu’il est paradoxal «que les conditions d’existence les plus intolérables puissent si souvent apparaître comme acceptables et même naturelles.» La raison à cette soumission et à cette tolérance, à ce qui est intolérable, vient du fait que la domination est incorporée. Qu’elle se trouve intériorisée de manière inconsciente. Ainsi, Bourdieu mentionne qu’il a «toujours vu dans la domination masculine, et la manière dont elle est imposée et subie,  l’exemple par excellence de cette soumission paradoxale, effet de ce que j’appelle la violence symbolique, violence douce, insensible, invisible pour ses victimes mêmes, qui s’exerce pour l’essentiel par les voies purement symboliques de la communication et de la connaissance ou, plus précisément, de la méconnaissance, de la reconnaissance ou, à la limite, du sentiment.

Finalement, si nous voulons sortir de cet état de domination-soumission, il nous faut «démonter les processus qui sont responsables de la transformation de l’histoire en nature, de l’arbitraire culturelle en naturelle.» Donc, si nous apposons des qualitatifs invalidant les facultés et le caractère des femmes, on se doit de s’avouer que c’est arbitrairement que nous le faisons, que ce sont des postulats difficiles à vérifier, que c’est un fait de culture plutôt que de nature.

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