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17 novembre 2010

L’Économie de marché

La naissance du capitalisme pose certains problèmes aux historiens. Faut-il admettre que les cités, au Moyen Age, avaient une économie de marché, ou plutôt considérer que ce serait à la renaissance qu’apparaît les structures qui permettent d’établir que les échanges extérieurs qu’opérait Venise et Gêne sont de fait une première forme de capitalisme ? Ou serait-ce davantage les Pays-Bas qui firent preuve d’un plus grand dynamisme dans leurs rapports d’échange avec des marchés étrangers, tout en instaurant la première bourse de capitaux ?

Si l’on considère que pour mériter l’appellation de capitalisme il faut que la société dans son ensemble fonctionne selon une organisation libérale basée sur une économie d’échange, qui s’effectue grâce à la création de marché et de structure juridique et contractuelle, protégeant ses mêmes échanges, alors il faut plutôt prétendre que ce serait à la fin du 17ième siècle, mais surtout au 18ième siècle que sont réunis les conditions particulières à l’économie de marché. Les systèmes d’échange antérieure, tant au Moyen Age que durant l’antiquité, ne peuvent pas être considéré comme étant complètement capitaliste puisque l’économie et la structure des échanges basées sur l’existence de marché ne fonctionnaient qu’en marge de la société. Le capitalisme étant une forme de structure civilisationnelle à tendance totalitaire, il ne faut pas se surprendre si, sous son règne, tous les aspects de l’existence doivent être sous l’influence de règles propres à la maximisation, au contrat, au calcul de rentabilité, à l’appât du gain, à la mise en marché publicitaire et à l’entreprenaria.

Les caractéristiques

"Pour naître, se développer, prospérer et se perpétuer, le capitalisme exige des marchés, des capitaux, (la mise en valeur de ces capitaux suite à un processus de trans(form)ation de la matière afin de créer une valeur ajoutée), des techniques, des entrepreneurs, des travailleurs et des consommateurs." Ce sont ses caractéristiques qui n’étaient pas pleinement réunies avant le 18ième siècle et l’industrialisation.

Un autre facteur qui profite à l’émergence des marchés est le respect des contrats en raison de la menace, par les autorités en place, de sévir lorsque l’échange est rompu. Cette efficacité à faire respecter les contrats vient de l’uniformisation des législations. Ces progrès proviennent "de la mise en forme systématique et de l’homogénéisation de règles de droit énoncées dès le Moyen Age, en particulier dans la mouvance des cités urbaines et marchandes".

Il faut donc en quelque sorte que les échanges soient réglés, ce qui signifie qu’elles doivent être soustrait à la violence et à la ruse. Il s’avère justement que le libéralisme implique le respect du droit de propriété. Pour que cela fut possible il fallut un certain nombre de modifications dans les mœurs, à partir d’une certaine époque, que certain situe au début des années dix-sept cents. À partir de ce moment, de manière générale, la criminalité diminue. Les routes par lesquelles se transportent les marchandises sont devenues plus sûres, les biens sont davantage à l’abri des vols, la vie au sein des villes est moins périlleuse, même la nuit. Les appareils policiers et judiciaires augmentent en nombre et deviennent plus efficaces pour dissuader les individus à commettre des actes reliés à la délinquance.

On assiste surtout à l’adoucissement des mœurs, qui fut en premier lieu instauré par les classes supérieures qui gravitaient à la cour. Dans le système monarchique les aristocrates doivent être contrôlés. Les règles propres régissant leur comportement doivent être fixées par des conventions explicites et implicites. Comme la monarchie pu s’octroyer au fil du temps le monopole des affaires publiques, c’est elle qui dispensait les postes reliés au service public et à la gouvernance. Dans un espace social dans lequel les jeux de pouvoir sont omniprésents, il devient contre-productif, si on suit les réflexions de Norbert Élias, d’exercer toute forme d’agressivité ou de violence. Il faut faire preuve, au contraire, de civisme, de subtilité et de politesse, afin d’échafauder des "plans raffinés à long terme." C’est à une véritable "cérébralisation des comportements" qu’aboutit l’environnement social au sein des cours. Et l’inverse de ce processus, l’absence de contrôle de soi, peut incessamment mener au ridicule. Ce qui entraîne le rejet et le bannissement.

Un autre facteur peut expliquer la modification des mœurs et l’élimination des vices délétères. C’est la "rationalisation des organisations et des institutions " en générale, et en particulier des clergés. Ceux-ci formèrent un personnel de meilleure qualité, des prêtres, des abbés, des révérends et des pasteurs qui possédaient une meilleure formation et une plus grande connaissance des textes à caractères moraux. Ce qui permis que se propage des raisons et des argumentations efficaces qui encourageaient la vertu et les comportements sains. Il ne faut pas négliger le prestige des charges et du personnage de clerc qui devient un "guide d’opinion et un modèle à imiter".

On retrouve aussi, à cette époque, la naissance d’une nouvelle forme d’optimisme en raison de la modification du climat -ce qui permis de diminuer les disettes et les famines- et en raison d’une relative pacification entre les chancelleries. La diplomatie avait probablement compris que les conflits coûteux rendent fragiles l’ordre à l’intérieur des royaumes, car les ressources fiscales étant très limitées, la révolte gronde assurément lorsque vient le temps de lever de nouveaux impôts.

Le marché

Il existe des comportements sociaux ou individuels dit naturels. Parce qu’ils sont susceptibles de se reproduire peu importe le lieu ou le temps. La tendance à la fermeture des marchés, à vouloir limiter la concurrence que préconisent les marchands et les producteurs est naturelle, car il est dans leurs intérêts de maintenir leurs positions acquises. Ce n’est seulement qu’à partir du moment où les espérances de gains futurs se concrétisent que les agents économiques deviennent favorable au libre marché et au libre échange. Il faut d’emblée sortir des conceptions mercantilistes, -dans lequel l’échange est considéré comme un jeu à somme nulle, où il faut vendre le plus, mais acheter le moins possible, et ainsi posséder d’avantage d’or-, si l’on veut considérer l’échange comme la possibilité d’une création infinie de richesse (un jeu à somme positive). C’est le libéralisme et ses auteurs, comme Adam Smith, qui permettront de faire le saut intellectuel vers une meilleure compréhension des règles et des mécanismes de l’échange.
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L’entreprenaria

Il faut pour parvenir à agir convenablement dans les divers secteurs de l’activité humaine, être capable de procéder à des ajustements adéquats, en conformité avec les différents ordres de rationalité propre à chaque domaine. Autrement dit, les qualités qu’exige une discipline doivent être particularisées selon les fins propres à chaque secteur d’activité. Cela nécessite de connaître ce qui est vrai, fonctionnel et efficace, d’agir et de le faire en conformité avec le but recherché.

Cette procédure universelle, parce que caractéristique de toutes les activités humaines est propre aux entrepreneurs et à l’esprit d’entreprise. Bien que l’entreprenaria existe depuis toujours, ou presque, il fut canalisé et généralisé à partir des débuts du développement du capitalisme moderne. Avant cette époque les entrepreneurs fonctionnaient en marge de la société, alors que, par la suite, ils furent intégrés et constituèrent une composante importante de l’activité économique et sociale. Avec le temps, ils gagnèrent la reconnaissance et le prestige de leur rôle.

Auparavant, donc, l’entreprenaria et ses activités étaient suspectes aux yeux des autorités ecclésiales, et surtout ils étaient méprisés par les aristocraties qui, elles, sont plus susceptibles d’encourager "la gloire, l’éclat (des actes ostentatoires) et la libéralité". Jusqu’au moment où la Hollande, du milieu du 17ième siècle, connaisse la prospérité économique, "un rôle de grande puissance, un régime politique de libertés et de tolérance", jamais le bourgeois entrepreneur-gestionnaire n’avait connu la fierté de l’être et n’était devenu un pôle d’attraction.  Jean Baechler "Le capitalisme"

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